Page 22 - Des ailes pour le Brésil
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Je me sentais abandonné écorché vif, le désespoir !
Proust disait que les meilleures années de sa vie avaient été les plus
douloureuses, car elles avaient contribué à forger l'homme qu'il fut plus
tard, entendait-il par là qu'il avait touché du doigt la sagesse tellement
recherchée ? Sans aucun doute !
Voulait-il dire aussi que si l’on n’a pas souffert, si l'on n’a pas été atteint
par la douleur du cœur, on est incapable d'apprécier pleinement les
moments de bonheur dans sa vie ?
Cela n’a rien d’étonnant si toute ma vie, j’ai gardé une aversion pour
l’écriture et les professeurs et leur suffisance.
L’inclusion scolaire n’existait pas encore de mon temps, j’avais peut-être
des symptômes autistes ou dyslexiques ?
Le français est une belle langue, mais ô combien complexe, fondée sur la
raison, que le siècle des Lumières nous a léguée, et si ardemment préservée
par nos intellectuels et la francophonie.
Ma famille me rabâchait sans cesse que sans diplôme, les chances de
réussite étaient faibles.
Mes cousins bardés de diplômes me considéraient comme un attardé, un
nigaud.
Il existe aussi et toujours une certaine discrimination délétère, si vous
n’êtes pas issu de la caste des élites des grandes écoles ou des universités.
« Le vrai pouvoir, c'est la connaissance » dit notre cher philosophe du
royaume d’Angleterre (1561) Francis Bacon.
Souvent, à cette époque, je me demandais comment mes parents avaient
pu m’abandonner dans cet univers impitoyable des écoles et des pensions.
J’en connaissais une raison évoquée : l’exiguïté de l’appartement de Paris,
ce qui était vrai, mais injuste à mes yeux par rapport à mon frère et à mes
sœurs ainées.
Peut-être que ma mère voulait-elle, me protéger de mon père dont je
n’étais pas le préféré ?