Page 19 - Des ailes pour le Brésil
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Les élèves me regardaient avec dédain, mais je m’étais endurci et habitué
à leur comportement, il n’y avait pas un jour où ils ne se moquaient de
mon accent et de mon mauvais Français.
Mon pseudonyme dans ce lieu de descente aux enfers était aussi
« burette » vous savez ce petit flacon à goulot rétréci avec un bec verseur
qui contient un très bon vin blanc que les prêtres ont coutume de se servir
avant, pendant, et après le sacrement de la messe.
Ayant quelquefois servi la messe cela m’avait impressionné de voir la
quantité de liquide qu’ils ingurgitaient.
Mes camarades d’école s’évertuaient sournoisement à me faire des croche-
pieds dans la cour de récréation pour chercher la dispute.
De nombreuses bagarres étayèrent mon séjour avec les « péquenauds » du
coin.
C’est dans cette ennuyeuse école communale que pour la première fois,
mes oreilles sifflèrent aux mots « virés » et « expulsés ».
C’était la justice campagnarde !
Je préférais alors me réfugier dans les souvenirs et préceptes purificateurs
des westerns auxquels j’avais assisté pendant mon séjour au Chili et en
Argentine avec les chevauchées épiques des cow-boys et des Indiens dans
les immenses et lointaines plaines.
La vision de la violence comme celle de la bonté, mais surtout de
l’injustice, provoquait chez moi une perpétuelle incontrôlable anxiété.
Une période de mon enfance a été bercée par les images du gentil cow-
boy et du méchant Indien qui se combattaient cruellement.
Les films de guerre et les flots de sang qui révélaient la souffrance humaine
exacerbaient ma sensibilité, je me perdais dans l'incompréhension de la
nature humaine, tout particulièrement quand de ma mémoire surgissait
certains évènements de mon enfance.
Mon amie Maryse fut la première victime à faire les frais de mon caractère
sauvage et de justicier.
Un jour, je l’avais attachée à un arbre, totem improvisé, au milieu de la
petite place du nom des « tilleuls », en face de la maison.
La pauvre petite était terrifiée par mes danses et criailleries forcenées.
Devant ce spectacle insolite de simulacre de mise à mort s’était formé un
attroupement de personnes pantois, apathiques.