Page 15 - Des ailes pour le Brésil
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Au moment du plongeon fatidique, j’admirais avec insistance notre
professeur de natation qui avait tous les charmants attraits d’une nageuse
envahissant à cette époque les écrans : Esther Williams.2 Dans Dangerous When
Wet (1953), elle avait trois partenaires masculins : Tom and Jerry et son futur
époux Fernando Lamas.
Esther Williams
Le cinéma était notre principale source de distraction, les films de guerre
et les westerns en langue espagnole étaient nos favoris.
La guerre se perpétuer à la maison.
Seul, enfermé à double tour dans la salle de bains, je me prenais pour un
pilote de chasse en mimant bruyamment dans les combats du ciel, les tirs
saccadés des mitrailleuses entre les deux plus emblématiques avions de
chasse de la guerre : le Spitfire et le Messerschmitt B.F.109.
L’air et les ailes jouaient un très grand rôle dans mon imaginaire. C’était
ma façon de participer aux combats.
J’avais du mal à supporter que nous fussions un pays défait après avoir
rendu nos armes aux troupes allemandes.
En 1945, à la suite d’une grave diphtérie, doublée d’une pneumonie, ma
mère m’a envoyé en montagne comme on m’aurait envoyé dans les Alpes
si j’avais vécu en France.
Ma mère m’expédia à deux heures d’autobus de Santiago, dans les Andes,
dans une sorte de pension de famille du nom de Nido d’Aguilar (nid d’aigle),
tenue par un couple de protestants américains.