Page 76 - Des ailes pour le Brésil
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                 Avant  le  décollage,  dès  qu’ils  furent  assis  dans  l’appareil,  certains
               commencèrent à manifester de l’inquiétude ; réaction tout à fait prévisible.

               Il fallait trouver un subterfuge pour les empêcher de paniquer et de se
               souvenir de l’accident.
               Nous décidâmes avec les hôtesses de leur servir sans répit, pendant une

               heure et demie de voyage, du champagne et des collations. Tout en les
               abreuvant  de  champagne,  je  les  saoulais  d’histoires  improvisées,  en
               espérant qu’elles leur permettraient de penser à autre chose. J’étais devenu

               pendant ce vol un acteur dramatiquement comique. Le champagne coula
               sans limite pendant toute la durée du vol.
               À  Orly,  la  compagnie  aérienne  avait  organisé  pour  nos  voyageurs  une

               réception avec leurs familles.
               Il  n’existait  pas  encore  à  cette  époque  comme  aujourd’hui,  d’aides

               psychologiques dans les cas de catastrophes aériennes.
               Après trois jours et deux nuits presque sans sommeil, je marchais, exténué,
               tel un zombi, empaqueté dans mon vieil imperméable Burberry.

               J’étais devenu le portrait ambulant du délabrement physique et moral. À
               cet instant, l’épave à Paris, c’était moi !
               Je repris mon travail le lendemain matin.

               Aujourd’hui encore, les séquelles de ce drame sont toujours vivantes et me
               reviennent en mémoire à la vue à la télévision d’une catastrophe aérienne.
               Très  longtemps  après,  l’enquête  confirma  une  erreur  de  pilotage  -

               l’appareil avait dérapé à l’atterrissage sur une piste mouillée - phénomène
               d’aquaplaning.  Les  accidents  d’avion  semblent  ne  jamais  se  produire

               isolément.
               Pendant  que  je  me  remettais  de  cette  catastrophe,  une  amie  atterrit  à
               Mexico,  devant  les  ruines  fumantes  d’un  DC10  de  la  compagnie  Aero

               Mexico, à la suite de sa collision avec un avion privé.
               Cet accident révéla la désastreuse gestion et la faillite de la compagnie
               nationale mexicaine, due en grande partie aux malversations de son dernier

               dirigeant.
               Pour me remettre de mes émotions, un copain m’invita à l’élection de Miss
               Univers, au cinéma Normandie, sur l’avenue des Champs-Élysées.

               C’était la première fois que j’assistais à ce genre de spectacle.
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