Page 34 - Des ailes pour le Brésil
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C’était plutôt un marigot avec un plan d'eau peu profond, où nous
devions nous couvrir le visage afin de nous protéger des nuées de féroces
moustiques.
Un jour, embourbé jusqu'aux épaules dans ce marais, j’aperçus de loin à
travers une maigre végétation une lionne famélique qui rampait pour
attaquer un pélican.
Heureusement, je suppose que trop concentrée sur sa proie et peut-être
parce que j’étais à contrevent, elle ne m’avait pas repéré.
Rétrospectivement, je pense que je
n’aurai pas été capable de me
défendre, enlisé dans la boue avec
mon fusil et deux cartouches à
plomb de calibre huit qui, si elle
m’avait attaqué, probablement ne lui
aurait pas fait beaucoup de mal. Je
suis resté immobile un long
moment, la tête demi-émergée dans
l’eau saumâtre. J’ai eu vraiment peur
puis, elle disparut de ma vue.
Ce genre de rencontre dans les années cinquante avec des lions était
rarissime dans cette région du Sénégal.
Aujourd’hui, le petit nombre de fauves vivant dans ce pays est parqué dans
la réserve du Niokolo-Koba où j’ai été plus tard une fois, lors de mes
nombreux séjours dans ce pays de 1962 à 1969.
Le climat du Sénégal est pendant huit mois semi-aride et certaines zones
au nord sont désertiques.
En août, généralement, débute la saison des pluies, « l’hivernage », avec les
premiers signes de la renaissance de la nature.
Dès que les premières gouttes de pluie tombent, la terre dégage une odeur
particulière, inhabituelle et agréable nommée le « petrichor ».
À la tombée de la nuit, des armadas d’éphémères
virevoltent autour des lampadaires blancs et se brûlent
leurs ailes.
Les scorpions noirs sortent de leurs cachettes, la vie
change radicalement, y compris les habitudes et les
comportements des individus.