Page 9 - Des ailes pour le Brésil
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L’exode commence, des colonnes de millions de réfugiés civils
déboussolés circulent sur nos routes de France, et les avions italiens
allemands mitraillent sans pitié.
Ce mot biblique exode ouvre toujours les plaies mal cicatrisées de notre
mémoire nationale.
Ma famille voulait rejoindre l'Amérique du Sud.
Ma mère avait obtenu les précieux visas pour le Brésil quelques mois après
la signature de l’armistice du 19 juin 1940 à Bordeaux, capitale tragique
d’une France vaincue.
Le « visa pour la famille »1 faisait partie de trente mille autres, dont ceux
de la Cour royale du Luxembourg délivré par Aristide Mendes, le fameux
et dévoué consul du Portugal.
Pour rejoindre Lisbonne mes parents, ma sœur
aînée et mon frère, nous avons enduré les routes
tortueuses d’une Espagne, qui l’année précédente,
avait été dévastée et baignée dans un bain de sang.
Mon premier souvenir est celui d’une longue berline
noire, que le temps écoulé semble rendre plus
sombre encore.
Arrivés à Lisbonne après un pénible et long voyage, nous embarquâmes
pour Rio de Janeiro à bord du paquebot de la compagnie Lloyd Brasileira,
le Bagé, ex-navire allemand du nom de Sierre Nevada.