Page 86 - Des ailes pour le Brésil
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                  À partir de cette escale, nous ne commençons plus à compter les heures
               de  voyage,  tout  changement  de  situation  devenait  incompréhensible,

               insupportable.
               Nous avions peu  dormi, nous nous  sentions minés par le stress, nous
               étions dans une sorte d’état de fatigue léthargique.

               Le plus pénible dans ces situations est le manque d’information cohérente.
               Certains passagers parlaient même de vouloir abandonner leur vol, pour

               dire quelque chose.
               Pour essayer de détendre l’ambiance, certains vieux passagers volubiles
               racontaient leurs mésaventures, leurs expériences en avion, pour ensuite

               s’endormir tristement vaincus par la fatigue.
               Quelques heures, plus tard, enfin, nous embarquâmes, notre prochaine
               escale était Jakarta, en Indonésie.

               Le voyage reprit, mais il était dit que nous aurions au cours de ce vol à
               subir de nouvelles et mauvaises surprises.

               Arrivés, à la verticale de la ville de Jakarta, l’avion commença à tourner,
               cela dura plus d’une heure.
               Résignés, nous apercevions au travers des nuages zébrés par les éclairs, les

               lumières scintillantes de la ville.
               Soudain, le commandant de bord nous annonça, d’un ton mielleux, que
               nous étions déroutés sur Kuala Lumpur en Malaisie, pour contourner un

               violent orage tropical.
               Peu de temps après, notre cher pilote nous informa, en s’égosillant cette

               fois-ci, que le personnel navigant devait être débarqué conformément à la
               réglementation I.A.T.A.
               En  claire,  cela  voulait  dire  que  nous  devions  attendre  qu’un  nouvel

               équipage arrive de Paris !
               Le temps de service maximal d'un pilote européen est de 14 heures, son

               repos social en escale doit être de 12 heures.
               Ce fut alors qu’un véritable coup de tonnerre explosa dans la cabine, de
               protestations, vociférations, d'insultes en plusieurs langues !

               La colère mêlée de désespoir et par la fatigue était arrivée à son paroxysme,
               une folie collective s’était emparée de tous.

               Nous n’étions pas loin d’une mutinerie et d’une probable bagarre avec
               l’équipage. On était au point ou tout de qui aurait pu substituer de bons
               sens avait disparu.
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